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KimoYa AKOUALA MAKOUTA-MBOUKOU : un nouveau regard sur les dimensions de la langue guadeloupéenne

KimoYa AKOUALA MAKOUTA-MBOUKOU est théologienne et chercheuse indépendante en histoire et civilisation Kôngo. Elle se consacre notamment à l’étude des Kôngo de la Guadeloupe. À ce titre, elle a rédigé deux ouvrages traitant de la langue guadeloupéenne qui, selon elle, a une parenté génétique avec le Kikôngo. Elle propose d’ailleurs une méthode d’apprentissage de cette langue africaine à partir de la langue guadeloupéenne dans son livre intitulé Apprendre le Kikôngo, langue mère, à partir d’une autre langue Kôngo : le Kikami (ou Tshikam) de Guadeloupe. Volume 1. Acquisition des bases – Méthode KÉMOUDI. Dans son troisième ouvrage consacré à la fois à la culture, la spiritualité et la langue, dont le titre est Foi et théologie Kôngo. Volume 2. L’Arche de l’Alliance et le Trigramme divin, du Royaume Kôngo aux îles de la Caraïbe ou Twa wòch a difé, toupatou twa twa, elle invite à une redécouverte de ce qu’elle présente comme étant la dimension cachée de la langue qui révèle des savoirs ancestraux. Elle nous présente ses conclusions de recherche.

Vous êtes théologienne. Qu’est-ce qui vous a amenée à porter vos recherches sur l’étude d’une langue ?

En tant que théologienne, j’ai écrit un premier livre qui s’intitule Foi et théologie Kôngo, un héritage à transmettre. Volume 1. Les Kôngo, un peuple, un Dieu, une histoire. Je me suis intéressée au fil de mes recherches aux Kôngo de la diaspora, notamment ceux de Guadeloupe.

Je ne parlais pas encore notre langue dite « créole ». Je dis notre langue parce que je me sens guadeloupéenne, même si je ne suis pas née en Guadeloupe. J’ai commencé à la parler en 2020, mi-juin 2020 très exactement. Là, ça a été un autre chapitre de ma recherche. L’accès à la langue m’a ouvert à autre chose. Comme on dit, « la langue d’un peuple, c’est son âme ». Du coup, j’ai eu accès à une autre dimension de ce qu’on appelle le Bukôngo, c’est-à-dire la tradition Kôngo, cachée dans la langue dite « créole ». C’est ce qui m’a fait écrire ce livre intitulé Apprendre le Kikôngo, langue mère, à partir d’une autre langue Kôngo : le Kikami (ou Tshikam) de Guadeloupe. Volume 1. Acquisition des bases – Méthode KÉMOUDI. C’est une méthode que j’ai créée pour apprendre directement une langue africaine, en particulier une langue bantoue à partir du Kikami parce que la langue dite « créole » est en fait une langue africaine de par sa pensée symbolique, entre autres.

Dans le prolongement de mes recherches, j’ai écrit Foi et théologie Kôngo. Volume 2. L’Arche de l’Alliance et le Trigramme divin, du Royaume Kôngo aux îles de la Caraïbe ou Twa wòch a difé, toupatou twa twa. Et ça, c’est l’accès à la langue dite « créole », le Kikami, qui m’a permis de creuser la question, d’aller encore plus loin. C’est une richesse incommensurable.

Avec l’association Ajoupa Kôngo, nous œuvrons afin que cette langue puisse être aussi reconnue par les Africains du continent.

Qu’est-ce qui vous permet d’affirmer que la langue dite « créole » serait d’origine Kôngo ? On sait que pendant et après la période esclavagiste il y a eu des Kôngo déportés en Guadeloupe, mais généralement les historiens disent que les Africains qui ont été déportés aux Antilles françaises seraient en majorité partis du Bénin.

Quels sont les historiens qui disent cela ? D’où vient cette information ? C’est le complot visant à cacher notre histoire. La vérité historique est que les peuples du Kôngo ont tout simplement été les plus nombreux à avoir été déportés. Ils ont fait main basse sur le Kôngo, ils ont déchiré le Kôngo. Il y a eu l’esclavage, mais l’acharnement sur le Kôngo ne s’est pas pour autant arrêté ; ça a continué, puisqu’il y a eu ce que l’on a appelé la conférence du partage de l’Afrique, la conférence de Berlin dont le nom allemand est die Kôngokonferenz, c’est-à-dire « la conférence du Kôngo ».

Il faut savoir que vers – 650 avant l’ère chrétienne, après avoir quitté l’Égypte pour aller plus au sud, nous avons créé un grand empire qui était l’Éthiopie intérieure qui allait du Tchad jusqu’en Afrique du Sud, et il avait comme centre, le royaume du Kôngo. Ce grand empire, l’Éthiopie intérieure, c’était l’empire du Kôngo et à l’intérieur on trouvait des royaumes. Il se trouve que le royaume du Kôngo était le ligand de toute cette l’Afrique. L’Occident avait donc intérêt à démanteler le Kôngo pour mettre la main sur l’Afrique et sur ses richesses. Et cela continue encore aujourd’hui. Voyez ce qui se passe au Kôngo !

Donc, le Kôngo a été dépossédé de sa population qui a été déportée un peu partout. Personnellement, j’ai des cousins aux États-Unis et à Haïti. Soit, pour l’instant, 4 401 cousins ADN. Je peux le dire par rapport à des résultats de tests ADN, réalisés avec des gens fiables. De nos jours, le Kôngo est vide à cause de tout cela. Les richesses du Kôngo sont encore aujourd’hui en train d’être pillées. Le crime contre le Kôngo continue parce qu’on fait croire à la grande majorité de nos parents des Antilles qu’ils viennent du Bénin, alors qu’il s’agit d’un petit pays, le Dahomey, rebaptisé Bénin il y a à peine 50 ans. Il y avait un royaume de Bénin qui est aujourd’hui dans l’actuel Nigéria. Et pour confondre les choses, on a rebaptisé le mince couloir qu’était le Dahomey du nom de Bénin. Comment pourrait-il être possible que tous ces déportés viennent de là ?   

Voyez sur la couverture de mon livre, la carte qui vient du mémorial de Nantes, qui représente les routes de l’esclavage. On peut constater que la flèche la plus importante part du Kôngo. Mais pour camoufler tout cela, ils n’écrivent pas Kôngo sur cette carte. Il y est écrit « Afrique du Centre-Ouest », alors qu’il s’agit en réalité du royaume du Kôngo.

Visuel de la première de couverture du livre Apprendre le Kikôngo, langue mère, à partir d’une autre langue Kôngo : le Kikami (ou Tshikam) de Guadeloupe. Volume 1. Acquisition des bases – Méthode KÉMOUDI

Qu’est-ce que ce royaume avait de particulier?

Les Kôngo étaient le peuple qui rassemblait toute l’Afrique. Les Grands Initiés disent d’ailleurs que l’Afrique est une : son esprit est au Kôngo, c’est-à-dire le centre qui pense, son âme est au Dahomey (actuel Bénin), et son corps est au Sénégal. Donc, en fait, nous sommes un seul peuple. Il faut comprendre ici que la base de l’organisation de l’Afrique vient du Kôngo. D’ailleurs Dibombari Mbock, un grand chercheur camerounais, le dit : « Le Kôngo est considéré, à juste titre, comme le centre spirituel du Monde Noir. »

L’organisation spirituelle et sociétale du Monde Noir émane du Kôngo. Quand vous voyagez en Afrique, partout vous retrouvez le mot Kôngo. Kôngo signifie la royauté. Ce nom est parti et se retrouve également maintenant dans notre diaspora dans les Amériques. Lorsque vous allez à Petit-Canal en Guadeloupe, vous pouvez voir les noms des peuples qui ont été réduits en esclavage sur cette île inscrits sur des plaques, sur le site appelé « marches des esclaves ». D’un côté, vous avez les noms de diverses ethnies et de l’autre, vous avez la plaque Kôngo qui trône toute seule. En Guadeloupe, on peut dire que c’est 70 à 80% de la population qui est Kôngo. Vous avez des Kôngo qui arrivent sur le territoire pendant et après la période dite esclavagiste.

D’ailleurs, vous avez un morne Zambi sur la route de Saint-François en Guadeloupe. C’est l’un des noms de l’Être Suprême. C’est le nom qui permet la première connexion parce que dans les langues Kôngo, la voyelle « i » c’est la voyelle de la connexion avec le monde divin. La particule « bi » renvoie à une vibration basse. Nzambi est le premier niveau : l’Être Suprême descend jusqu’à nous, et là on peut l’atteindre. Il y a d’autres niveaux et d’autres noms qui lui sont attribués en fonction du niveau que l’on considère.

Pouvez-vous expliquer la différence entre Nzambi et zonbi ?

Le professeur Charles Coovi-Gomez l’explique très bien dans l’une de ses conférences : zonbi est une diabolisation de l’Être Suprême Nzambi. Tout ce qui vient du Nègre a été présenté comme mauvais, même son Dieu. Les objets sacrés sont présentés comme étant des fétiches. Le Nègre est présenté comme étant laid, bête. Tout est négatif, y compris l’Être Suprême.

Donc, selon vous, il y aurait eu une pratique de la spiritualité Kôngo sur ce morne ?

Le fait qu’il y ait un morne Zambi témoigne, selon moi, du fait que les Kôngo qui ont été déportés en Guadeloupe ont continué à pratiquer leur tradition spirituelle. Traditionnellement, nous faisions des pèlerinages et toujours sur une montagne. Nous avons toujours invoqué l’Être Suprême sur les hauteurs.

Les Kôngo ont vraiment transmis leur tradition sur ce territoire parce qu’ils étaient les plus nombreux. Donc leur spiritualité s’est imposée, tout comme leur langue. La langue de Guadeloupe est une langue Kôngo. On y retrouve aussi l’influence d’autres langues africaines, comme Djolo le démontre, mais c’est surtout le Kikôngo qui l’a façonnée.

Vous avez séjourné en Guadeloupe pendant combien de temps pour vos recherches ?

Je suis venue en 2019. C’était mon premier voyage. Je suis restée 10 jours. Puis en 2020, je suis revenue pendant pour un peu plus d’un mois.

Mais, comment a été possible votre accès à la langue ? Nous avons eu un échange et vous la parlez.

On ne peut pas tout dire. Il y a dans cette affaire une dimension spirituelle que je ne peux pas dévoiler.

Vous n’avez pas vécu plusieurs années en Guadeloupe ?

Pas du tout.

Avez-vous été amené à évoluer dans un cercle de personnes incluant des Guadeloupéens ou avez-vous peut-être vécu avec une personne de Guadeloupe ?

Absolument pas. Ce sont les Ancêtres qui m’ont mise sur un certain chemin de retour vers moi-même.

Quand je suis venue en Guadeloupe pour la première fois, je ne savais pas que je revenais chez moi. J’ai reconnu ce pays en me disant, mais « qu’est-ce qui m’arrive ? C’est pourtant la première fois que je viens ? » Et cela m’a vraiment troublée, parce que c’était la première fois que je venais physiquement dans le pays. Ensuite, au mois de juin 2020, j’ai fini par parler la langue. Elle m’a été donnée comme cela.

Nombreuses sont les personnes au sein de nos populations qui aimeraient apprendre une langue africaine. Comment cela peut-il donc leur être possible sans passer par un long apprentissage ?

La mélanine que nous avons est un pigment divin, les vibrations d’amour que nous avons ont aussi un caractère divin. Pour qu’une langue africaine vous soit transmise ainsi, il faut passer par les Ancêtres. Ils n’attendent que cela, qu’on s’adresse à eux et qu’on les réveille. Tant que l’on ne s’adresse pas à eux, nous continuons à vivre dans la souffrance.

Donc pour vous, en tant que théologienne, il y a un lien direct entre langue et spiritualité ?

Absolument. Notre langue dite « créole » est une langue chargée. C’est une langue spirituelle. C’est une langue d’initiés, parce qu’elle est codée. C’est un code surtout des initiés Kôngo. Elle cache toute la pensée symbolique Kôngo.

Quand je dis, par exemple, « ki moun ki la ? » On peut se dire que c’est du français, que la c’est du français. Et puis, moun c’est du Kikôngo. Cela vient de Muntu qui veut dire « Être humain ». Mais, le la, on le retrouve aussi dans le Kikami ola et dans le Kikôngo bwa-la ou bien o-la. Dans les langues Kôngo, on a bwa-la et o-la qui signifient « village ». Quand on dit « ola ou sòti ? », on demande en fait « de quel village viens-tu ? » Et, la renvoie à quelque chose qui est grand, qui se déploie. Donc, quand je dis « ki moun ki la ? », je dis « quelle est la personne qui est en train de se déployer ? » C’est ça ; c’est le code !

Mais, vous ne dites pas simplement que c’est une langue Kôngo. Vous insistez sur le fait qu’il s’agit d’une langue des initiés.

Il n’y a que les initiés qui étaient formés au code. Ce code a été transmis à des gens qui ne savaient pas forcément que c’était un code. Aujourd’hui encore, ce code est là. Et je l’explique dans mon livre. C’est un code qui cache le Trigramme divin. C’est un code qui cache les 3 piliers qui ont formé le royaume Kôngo. C’est un code qui cache les 3 clans de base du Kôngo. C’est un code qui cache également les pyramides que l’on a en Égypte : les 3 pyramides de Gizeh c’est twa wòch a difé.

Donc, selon vous, nous pratiquons au quotidien une langue sacrée, mais sans le savoir.

 Absolument.

Vous choisissez d’appeler la langue « Kikami ». Pouvez-vous expliquer pourquoi ?

Il y a Djolo qui parle de Woucikam et c’est ce terme qui m’a inspiré le « Kikami ». Djolo a vraiment fait un travail remarquable.

Dans Woucikam, on retrouve Wou et Cikam. Dans Cikam, on a le préfixe Ci ou Ki et la racine Kam qui veut dire « noir ». Cikam c’est la langue des Noirs, la langue égyptienne.  Woucikam en fait c’est « nou ka woucikam », autrement dit « nous reparlons la langue des Noirs, la langue des Africains ».

Moi, je dis Kikami. C’est la même chose en fait. Je mets juste une voyelle à la fin.

Vous parliez précédemment des vibrations des sons des voyelles. Le fait de finir par le son «i» est-il lié à un élément spirituel ?

Oui, c’est la vibration de la connexion. 

Pourquoi cela vous a-t-il semblé important ? Est-ce parce que c’est une langue d’initiés ?

Oui, Kikami, c’est parce que c’est vraiment la vibration de la connexion avec le monde divin et c’est la vibration du renouvellement de l’intelligence.

Vous parlez du lien du Kikami avec le Kikôngo, mais vous évoquez également les langues bantoues de façon générale. Pourquoi ?

Les langues bantoues viennent du Kikôngo. Le Kikôngo est la première langue de l’humanité. De nombreux chercheurs en parlent, je ne suis pas la seule à le dire. Elle a donné les autres langues africaines qui sont les langues bantoues.

Donc, le Kikami serait une continuité de ce processus qui avait déjà commencé sur le continent africain.

C’est bien plus qu’une continuité. Il y a une vraie intelligence de la langue. Il fallait cacher l’Afrique. Cette Afrique a été cachée sous des mots qui ressemblaient à des mots de la langue du colon. Mais, il faut aussi savoir que ces mots ressemblaient à des mots de la langue du colon parce que même la langue du colon émane de l’Afrique. Il en est ainsi parce que les premiers Européens étaient des Noirs. On retrouve donc, dans toutes les langues européennes, des traces des langues africaines.  

Le latin pour vous serait une langue dérivée du Kikôngo à l’instar des autres langues bantoues.

Oui et cela a été parfaitement démontré par Melo Nzeyitu Josias dans son livre intitulé Les racines Bantoues du latin.

Existe-t-il en Afrique d’autres langues qui seraient des langues d’initiés ou s’agit-il là de quelque chose de spécifique aux Amériques ?

En Afrique, dans toutes les langues, il y a une dimension initiatique. Il y a la langue parlée par tous et à l’intérieur de cette langue il y a des codes d’initiés.

Et pour vous, concernant le Kikami, seul le code des initiés aurait été préservé ?

C’est surtout le code des initiés.

Quand vous dites « initiatique », qu’est-ce que cela signifie ?

C’est tout ce qui est caché.  Il y a une transmission de messages cachés auxquels n’ont accès que les personnes qui peuvent comprendre, qui peuvent lire le message. Il en est ainsi même dans nos Écritures. Par exemple, nos lettres nous les appelons Sono. Ce mot vient du verbe Sonika qui veut dire « écrire ». D’ailleurs, on y retrouve le son « ka » que nous avons dans le Kikami. Le Ka c’est la Force Vitale. Donc, quand j’écris, j’imprime une force. Je vais donner à ce que j’écris une vie. Une chose écrite est une chose qui va se manifester. Nos écritures nous les appelons Sono bia mpofo, ce qui signifie « écriture des aveugles ». La personne voit bien, elle lit, mais elle est incapable de comprendre le message.

C’est pareil pour la langue dite « créole ». C’est une langue des aveugles.  On va la parler, mais on ne va pas comprendre le véritable message, qui est caché. C’est pareil pour le gwoka qui a été introduit par les Kôngo. Boula vient du Kikôngo ; ça signifie « battre la mesure ». Maké vient du Kikôngo Makélé ; il s’agit du métal qui servait à fabriquer les clous que l’on utilisait pour écrire. Les statuettes qui ont des clous, par exemple, c’est une écriture. Maké dans le gwoka en fait c’est « écrire ». Maintenant, quand le makè joue, il transmet un message. C’est ce message qu’il faut retrouver.

D’après ce que vous dites, nous utilisons le code au quotidien. Comment peut-il alors être possible de se reconnecter au sens et d’accéder à toutes les dimensions de la langue ?

C’est par la révélation des Ancêtres. Pour réussir à retrouver le Kikôngo dans la langue dite « créole », c’est par révélation.

Que signifie « par révélation » ? Il y a-t-il une pratique particulière à avoir ?

Notre spiritualité, elle est science. Il y a une révélation, et cette révélation apporte la preuve scientifique de la Kôngoité de la langue dite « créole ».

Dans mon ouvrage, je fais la démonstration de la parenté génétique entre le Kikami et le Kikôngo.

Vous dites notamment que le Kikami vous permet de mieux comprendre votre héritage Kôngo. Pouvez-vous expliquer cela ?

Quand nous avons été déportés dans les Amériques, il y a des éléments qui sont partis, qui ont quitté le continent définitivement. Et, ces éléments ont continué à vivre dans les Amériques. Ces éléments nous manquent. Il y a des choses que l’on a au Kôngo, mais que l’on ne peut pas comprendre sans l’éclairage de la langue dite « créole ». Et inversement, il y a des choses aux Amériques que l’on ne peut pas comprendre sans l’éclairage d’une langue africaine.

Je peux vous dire, par exemple,  qu’à travers les écrits de  Sylvianne Telchid et les travaux de Jean Bernabé, j’ai une meilleure compréhension du Kikôngo et de son fonctionnement. Moi, j’ai d’abord parlé la langue dite « créole » et les Ancêtres m’ont ensuite dit «maintenant que tu reparles la langue, il te faut l’étudier».

Nos langues s’interprètent les unes les autres et elles s’éclairent mutuellement. Nous nous devons de les préserver.

Pourquoi dites-vous « reparles » ?

Parce que je l’ai déjà parlée.

Vous pensez que vous avez été guadeloupéenne à un certain moment ?

Non, je ne le pense pas. Je l’ai été !

Comment expliquez-vous qu’il y ait une diversité qui paraît dans le Kikami en fonction du territoire où on le parle ? S’agit-il de codes différents ?

C’est la même pensée symbolique, c’est le même code. C’est notre richesse linguistique et notre richesse de pensée qui fait qu’il y a des variantes.

D’un point de vue spirituel, cela n’a donc pas de sens particulier.

Non, c’est la même spiritualité qui s’exprime.

Est-ce qu’elle a un nom ?

Alors, le Kôngo est le point de départ. Mais, l’Homme Noir c’est la pluralité. Donc il n’y a pas qu’un seul mot pour désigner cette spiritualité.

Vous avez une association qui s’appelle Ajoupa Kôngo, pouvez-vous présenter ses objectifs ?

Ajoupa Kôngo a été créé en 2020. Le but est de travailler à la promotion et à la transmission de la culture Kôngo sur le continent comme dans les Amériques. Au départ, on travaillait avec une double présidence. Il y avait un président de Guadeloupe et une co-présidente du Kôngo. Cela marchait assez bien, mais c’était quand même un peu compliqué à gérer. Donc, aujourd’hui il n’y a qu’un président. Actuellement, c’est moi qui occupe ce poste.

Nous pensons organiser, pour 2025, un voyage au Kôngo qui va durer une dizaine de jours pour les personnes qui souhaitent se reconnecter avec notre Terre Mère. Nous avons des projets de conférences, de mise en place de cours, avec une ouverture sur notre spiritualité.

Comment peut-il être possible d’intégrer cette association ?

Il est possible de nous écrire à ajoupakongo@gmail.com.

Comment est-il possible de vous suivre et découvrir vos futurs résultats de recherche ?

Ceux qui veulent me suivre peuvent le faire en ligne. Avec Ajoupa Kôngo, nous sommes présents sur YouTube et sur Facebook.

Quel sera votre mot de fin ?

Je souhaite dire que le Kikami est un fil conducteur qui nous ramène au pays, et le pays c’est l’Afrique. C’est une langue importante. Elle permet de faire le pont et de nous rassembler autour de ce que nous avons vécu durant cette nuit de 4 siècles qu’a été l’esclavage, qui a montré malgré tout que nous sommes un peuple créateur. C’est une langue de combat, une langue de résistance. C’est une langue qu’il faudrait honorer. Moi, je me bats pour cela !

Bibliographie

2019 KimoYa AKOUALA MAKOUTA-MBOUKOU, Foi et théologie Kôngo, un héritage à transmettre. Volume 1. Les Kôngo : un peuple, un Dieu, une histoire, Paris.

2021 KimoYa AKOUALA MAKOUTA-MBOUKOU, Apprendre le Kikôngo, langue mère, à partir d’une autre langue Kôngo : le Kikami (ou Tshikam) de Guadeloupe. Volume 1. Acquisition des bases, Baie-Mahault, Ajoupa Kôngo

2024 KimoYa AKOUALA MAKOUTA-MBOUKOU, Foi et théologie Kôngo. Volume 2. L’Arche de l’Alliance et  le Trigramme divin, du Royaume Kôngo aux îles de la Caraïbe ou Twa wòch a difé, toupatou twa twa, Baie-Mahault, Ajoupa Kôngo

Syanséka

Originaire de Guadeloupe, j’aime observer le réel et partager le fruit des lectures qu’il se plaît à m’offrir.

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