Jérémy : le zoukeur polyglotte

JérémyAuteur, compositeur, interprète et guitariste, Jérémy est un artiste aux multiples talents qui fait partie des nouvelles voix du zouk. Installé à Saint-Martin depuis 2007, il a sorti 2 albums qu’il a réalisés en compagnie de Jerry Charbonnier. Il a aussi été très présent sur les scènes en tant que musicien et a accompagné à la guitare de nombreux artistes. Il nous présente ici son parcours et son regard sur l’évolution du zouk.

 

À quel âge as-tu commencé la musique ?

 

À 5 ans, j’ai eu un parcours classique au conservatoire. Après, j’ai fait une école de musique pour l’accompagnement essentiellement variété. Je m’étais spécialisé dans l’accompagnement des chanteuses.

En parallèle, j’avais mon parcours de parolier-chansonnier à l’époque. Je faisais de la chanson française et du piano-bar.

J’ai commencé à découvrir les musiques caribéennes quand j’étais sur Paris. J’ai eu envie de continuer beaucoup plus dans cette voie. Lorsque je suis arrivé à Saint-Martin, je me suis spécialisé dans ces musiques et le zouk m’a offert la possibilité de faire de grosses scènes.

J’ai accompagné de grosses équipes sur le bassin caribéen. Et en parallèle, comme j’avais ce background de musicien professionnel, j’ai sorti mes albums.

 

Au départ, à Paris, lorsque tu t’es intéressé à la musique caribéenne, de quelle musique s’agissait-il ?

 

Il s’agissait du zouk. J’avais des connaissances et amis dans le milieu du zouk qui m’ont permis de découvrir le travail de studio. Ça m’a ouvert des voies.

 

Est-ce la musique qui t’a amené à Saint-Martin ?

 

En fait, je voulais me rapprocher de la Guadeloupe. Saint-Martin était suffisamment proche pour me permettre de faire ce que je voulais.

 

Qu’as-tu trouvé de plus dans le zouk que tu n’as pas trouvé dans la variété française ?

 

La cadence, tout simplement. Le zouk peut, comme une éponge, s’imprégner de tout ce qui se fait. Pour moi, c’est la parfaite symbiose musicale. On arrive à y mettre des influences harmoniques d’origine très diverses, mais on ne s’éloigne jamais de cette rythmique purement caribéenne qui est basée sur le Ka et les rythmes africains.

 

Quand tu es arrivé aux Antilles, quel accueil t’a été réservé ? Comment a-t-on perçu ta démarche ?

 

Je pense que ça a été comme pour n’importe quel autre musicien qui veut atteindre un certain niveau. C’est comme ça dans tout milieu professionnel. Si tu travailles bien, tu as du résultat tout simplement.

 

Tu as donc réussi à t’intégrer très facilement ?

 

Oui, j’ai vraiment travaillé dur la guitare pour accompagner des valeurs sûres de cette musique.

 

Tu as sorti 2 albums. Qu’as-tu cherché à proposer à travers ces albums-là ?

 

Avec le premier album, She reigns, je me cherchais un peu. Il est très zouk. Une base de zouk love parce qu’au chant je ne suis pas encore à l’aise sur le zouk up tempo. J’avais aussi cette barrière de la langue parce que le zouk up tempo, je ne le conçois pas dans une autre langue que le créole. Comme je n’étais pas encore à l’aise en créole, il était plus facile pour moi de chanter des morceaux plus posés dans les 3 langues puisque je me suis exprimé en français, en créole et en anglais.

Carib being a été un album à thème. Ce n’est pas un album de zouk pur. J’ai touché à différents rythmes caribéens. Il y a aussi un morceau de soca, un morceau reggae et un morceau plus soul.

 

Es-tu beaucoup plus à l’aise avec le créole maintenant ?

 

Oui, mais pas encore assez pour faire du Kassav’ par exemple.

 

Est-ce un de tes objectifs ?

 

Oui et non parce que je me suis retrouvé en tant que guitariste. J’ai mis du temps à pouvoir jouer ces morceaux-là. Maintenant, je peux jouer tous les morceaux qui me plaisent. Je m’éclate assez en tant que guitariste à ce niveau.

 

Donc ce que tu n’arrives pas à faire en chant, tu compenses en le jouant à la guitare.

 

C’est exactement cela.

 

Pourquoi choisis-tu d’écrire en 3 langues ?

 

Ce sont les 3 langues qui me plaisent tout simplement. Selon le morceau, je vais essayer de coller à l’esprit de ce que je souhaite exprimer. Par contre, je ne fais pas au départ le choix d’une langue. Les textes viennent directement dans une langue ou dans une autre. Je suis mon inspiration.

 

Depuis un certain nombre d’années, beaucoup d’artistes de zouk chantent en français. Il semblerait que cela ait été imposé aux artistes. Qu’en penses-tu ?

 

Je pense que c’est la musique qui dicte le choix de la langue. Je chante dans plusieurs langues et je ne pense pas qu’il faille chanter dans une langue plus que dans une autre. Je ne comprends même pas qu’on puisse imposer une langue à des artistes caribéens. En plus, c’est un non-sens artistique et économique puisque les gros titres de zouk qui marchent le mieux ne sont pas en français mais en créole.

 

Tu as une démarche intéressante que beaucoup d’artistes n’ont pas forcément. Tu fais aussi appel à des auteurs pour tes chansons. Peux-tu expliquer ce choix ?

 

J’ai besoin de ces apports. Ce qui est normal à mon avis. On ne peut pas travailler dans ses propres limites. Il faut forcément une aide extérieure quand on veut progresser.

Sur le créole, culturellement, je suis de toute façon limité. J’ai beau faire des efforts pour essayer d’aller un peu plus loin, c’est une langue qui est riche et même si on apprend à la parler sur le terrain, il y a tout un background imagé d’expressions propres à cette langue que je ne peux pas avoir. Donc si j’ai une idée en tête et que je n’arrive pas à la transcrire, je ne vais pas la laisser tomber parce que je n’arrive à la développer. Je fais appel à un auteur qui pourra retranscrire ce que je veux dire.

 

Quand on écoute certains artistes, il y en a tellement peu qui font d’efforts par rapport à l’écriture. Tu pourrais sans problème te fondre dans la masse même avec des textes de piètre qualité.

 

Bien sûr, c’est le cas même en variété française ou en variété anglophone. Il y a toujours eu cette médiocrité ambiante dans tous les domaines qui peut être populaire. Ce n’est pas propre au créole. Mais, c’est une exigence artistique personnelle. Je suis perfectionniste. Si je sors un morceau, c’est parce que j’ai des choses à dire et que je veux faire un beau morceau.

 

En tant que musicien, tu travailles avec différentes équipes. Comment arrives-tu à trouver un équilibre entre ces différentes expériences et ta carrière solo ?

 

Ma carrière solo, elle se fait naturellement. Mais, je pense que tous artistes devraient de toute façon avoir des expériences de live en faisant autre chose que ces propres morceaux. Plusieurs des artistes avec qui j’ai collaboré le font.

 

Donc, ces expériences nourrissent ton travail et te permettent d’aller plus loin dans ta démarche en solo.

 

Absolument. Tu ne peux pas rester seul dans ton coin et travailler juste les quelques accords que tu maîtrises. Il faut prendre le temps de découvrir ce que les autres font d’intéressant.

 

Quelles sont tes sources d’inspiration en ce moment ?

 

J’ai toujours été très diversifié dans mes écoutes. J’avoue que je n’écoute pas trop de zouk actuel. Je suis très ancienne école et si j’écoute des trucs nouveaux, ce sont des chansons d’artistes qui sont assez exigeants envers eux-mêmes. Les sons faits sur Paris avec les mêmes suites d’accords et les mêmes paroles, j’avoue que je n’apprécie pas trop. Je suis pour un retour au zouk de la Caraïbe et non d’un zouk urbain fait par gens qui sont souvent décrochés de leur propre culture.

 

Selon toi, la dérive qui a eu au niveau du zouk est due à l’émergence d’une scène zouk sur Paris.

 

Clairement, pour moi c’est Paris qui a tué le zouk. Si on considère les chansons qui tournent en boucle sur les radios caribéennes, il y en a très peu qui ont été réalisées par des artistes qui vivent en Guadeloupe ou en Martinique.

 

Selon toi, il faudrait à nouveau une scène forte au niveau local pour qu’on retrouve la qualité d’avant.

 

La scène, elle est là. Elle existe. Il y a des groupes d’extrême qualité. On a des musiciens extraordinaires et ce n’est pas pour rien qu’ils ne jouent pas le zouk actuel.

De toute façon, ce n’est pas le zouk de Paris qui remplit les grosses salles, c’est Kassav’. On ne va pas remplir le Zénith avec du zouk love à 2 balles fait pour midinettes. En plus, la Caraïbe est un bassin où on aime la musique vivante. Dans les grands festivals, on peut éventuellement mettre un chanteur de zouk love, mais forcément ce sera avant tout du up tempo.

 

Pourtant, on a l’impression que tu t’inscris dans ce registre zouk love.

 

Je suis entre les deux. C’est par rapport à mes limites vocales. Mais, je suis avant tout sur du  95 au niveau du tempo. Je ne parle pas des mélodies, mais du tempo. Je ne fais pas les zouk love qu’on écoute habituellement. Le tempo de mes chansons est quand même assez rapide. D’ailleurs, certains zouk love de Kassav’ sont sur du 98 – 100. Donc, on peut avec une mélodie love avoir un tempo rapide.

 

En ce moment, que prépares-tu artistiquement ?

 

Il y a la chanson Nou ké rivé qui tourne encore bien. Ce morceau par exemple, il est à 95 et pourtant tu as l’impression que c’est un morceau zouk love. C’est peut-être pour ça que j’ai une écoute sur ce titre-là. J’aime bien avoir un tempo qui donne envie de bouger un minimum. Sur ce morceau, je me suis plus appliquée et je me suis un peu lâché sur le créole. Et surtout, le clip a été tourné à Vieux-Habitants, la commune de Guadeloupe qui me tient le plus à cœur.

Sinon, j’attends que les choses reviennent à la normale pour aller à nouveau en Guadeloupe faire un travail de promotion et recommencer à tourner en tant que musicien puisque j’évolue avec 2 équipes de live.

 

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Syanséka

Originaire de Guadeloupe, j’aime observer le réel et partager le fruit des lectures qu’il se plaît à m’offrir.

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